Ngbaka-Mabo 1
Fiche technique
- Taille :
Largeur de tête : 26 cm.
- Hauteur :
34 cm. - Poids :
358 grammes. - Matériaux :
Fer forgé, Tissu et fibres végétales. - Pays :
République Démocratique du Congo, Zaïre, République Centrafricaine. - Peuple :
Ngbaka. - Ethnies :
Ngbaka, Mabo. - Période estimée :
Années 1870-1900. - Autres informations :
Ex collection colonel Jean-Baptiste Marchand.*
Puis Rogers Georges, pharmacien.
Puis René Froment.
Intermédiaire Éric Claude.
Collection Mémoire-Africaine
- Réf. littéraires :
Beauté fatale p 158.
De fer et de fierté p 140.
Synopsis
Le couteau de jet « mbalio » et ses derniers forgerons Mbati.
Enquêtes en Centrafrique de 1989 à 1995 / I&M – Bulletin n°47 Par Didier Carité
Le couteau de jet ndon, que les spécialistes ont pris l’habitude d’attribuer spécifiquement aux Ngbaka-Mabo de Centrafrique, a également été fabriqué et utilisé depuis longtemps par une ethnie voisine mais d’origine très différente, les Mbati de la Lobaye, qui le nomment mbalio.
Les renseignements qui suivent viennent surtout de témoignages du vieux forgeron de l’ethnie Mbati, (« Isongo » ou « Lissongo ») Maurice Bombongo.
Jadis, les couteaux de jet étaient fabriqués par l’ancêtre forgeron Dinda à partir du minerai extrait près deMoboma, au sud de Mbaïki, entre Bagandou et Zoméa.
Avant l’arrivée des Européens, ce minerai était transporté à dos d’hommes dans des hottes jusqu’à Mbaïki où il était fondu grâce à du charbon de bois élaboré à partir d’essences d’arbres forestières sélectionnées à cet effet.
À l’arrivée des Allemands en Lobaye (1913), les forgerons ont été chassés du site d’extraction du fer à cause de l’or.
Maurice Bombongo dit se souvenir de cet événement, citant avec précision les étapes du parcours de ces nouveaux colons avant leur installation à Mbaïki
Selon le trajet, affirme-t-il, « de l’actuelle piste de la société d’exploitation forestière SCAD » (datant de 1994).
Il assure que ce souvenir est personnel, non transmis par ses parents, ce qui permet par déduction de lui attribuer en effet un âge supérieur à quatre-vingts ans au moment de son témoignage.
Avant la Grande Guerre, les épaves des bateaux à aubes, chalands ou canots à vapeur de l’Oubangui et de la Lobaye apportaient déjà des occasions épisodiques de récupération du fer des Européens.
Après 1918, cette matière première étrangère devint beaucoup plus abondante pour fabriquer des outils et des armes.
Le cuivre des manches et desincrustations faisait quant à lui depuis longtemps l’objet d’un troc avec les missionnaires ou les agents des sociétés concessionnaires.
Sous forme de lingots ou de fils, il s’échangeait contre des services ou des produits locaux, principalement l’ivoire et le caoutchouc.
Souvent, les villageois possesseurs des métaux d’importation les apportaient à leur forgeron, ne payant ainsi que la main-d’œuvre.
Bombongo a commencé à travailler avec son père Dinda dès six ans.
À cet âge, il l’aidait surtout en actionnant le soufflet, comme le fait maintenant son petit-fils Jean-Marie, ceci jusqu’à dix-huit ans.
Son père l’a initié à forger mais ce n’est qu’après son décès que « le pouvoir » de fabriquer des couteaux de jet lui a été transmis.
Il a sculpté ses toutes premières armes au temps où, se souvient-il, « le chef de la circonscription se nommait Darré », c’est-à-dire dans les années 1920.
A l’époque, toutes les ferrailles de récupération étaient appréciées des forgerons, en particulier celles provenant des épaves de camions.
Maurice suit consciencieusement la tradition qu’il déclare ancestrale.
La forme de l’objet doit être respectée scrupuleusement et il en donne la signification que son père lui a transmise: il s’agirait de la silhouette d’une personne (la représentation d’un valeureux ancêtre ?)
« Suite dans Ngbaka-Mabo 2 ».
Forgeron Maurice Bombongo. (Photo D.C. 1993-1995)
Maurice Bombongo (Mokessa), forgeron Mbati de Mbaïki : travail dans la forge familiale.
À l’arrière–plan et actionnant le soufflet, son petit–fils Jean–Marie Kotakoli.
(Photo D.C. 1993–1995).
Descriptif de l'objet
Ce couteau de jet est de forge ancienne, le métal semble amalgamé par couche, la forme est assez lourde et l’usure est bien présente.
La face ne présente aucune décoration.
La poignée a son ancienne garniture en tresse végétale, du moins en partie, car elle est recouverte de tissu ficelé avec de la fibre végétale.
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* Cette arme provient de la mission du colonel Jean-Baptiste Marchand, général, par la suite explorateur français né à Thoissey (Ain) 1863-1934.
Il a traversé l’Afrique en largeur du Congo à l’Ethiopie; il avait atteint, par le sud, à travers le Bahar-el-Ghazal, le confluent du Nil bleu. C’est le pharmacien principal Roger Georges, oncle de René Froment, qui détenait ces armes. Rogers a été par la suite pharmacien en chef de la santé et de la conciergerie.
Historique
Jean-Baptiste Marchand
Jean-Baptiste Marchand est né le 22 novembre 1863 à Thoissey dans le département de l’Ain de Georges Marchand (menuisier né en 1834) et de Marie Duplessy (née en 1843). Son père étant trop modeste pour lui offrir de longues études, il entre dès l’âge de 13 ans aux écritures chez un notaire.
Engagé volontaire à 19 ans le 17 septembre 1883, à Toulon, comme simple soldat au 4e Régiment d’infanterie de marine, il rejoint l’Ecole militaire d’infanterie de Saint-Maixent le 23 avril 1886. Il en sort sous-lieutenant le 18 décembre 1887 à seulement 24 ans et, après six mois au 1er régiment d’infanterie de marine, il devient officier de tirailleur sénégalais.
Il devait effectuer dès lors l’essentiel de sa carrière outre-mer, principalement en Afrique (Sénégal, Soudan Français, Haut Oubangui, etc.)
Lieutenant en janvier 1890, il participe aux opérations de la conquête du Soudan Français sous les ordres du colonel Louis Archinard (prise de Segou et de Konakry) contre le sultan Ahmadou, Il est promu capitaine en décembre 1892 à 29 ans.
Mission Congo-Nil bleu.
Le 22 juin 1896, il reçoit le commandement d’une mission d’exploration baptisée « Mission-Congo-Nil».
Dans le contexte de la rivalité coloniale franco-britannique en Afrique, le rôle de cette « mission Marchand » est primordial.
Il s’agit, en se portant les premiers sur le Nil depuis les territoires d’Afrique occidentale sous contrôle français, de contester l’hégémonie britannique sur le grand fleuve et d’implanter au sud de l’Egypte un nouveau protectorat français.
Pour cette expédition aussi hasardeuse aux niveaux sanitaire que militaire, logistique que politique, Jean-Baptiste Marchand ne néglige aucun détail. Faisant preuve de grande autorité et de la plus grande minutie dans la préparation, il s’entoure d’officiers expérimentés, dont un certain lieutenant (puis capitaine) Charles Mangin, le futur général Mangin de la grande guerre.
Le 10 juillet 1898, la colonne arrive à Fachoda et renforce aussitôt les défenses de la place. Les choses se compliquent avec l’arrivée le 19 septembre 1898 des forces de Lord Kitchener.
Celui-ci vient de remporter la victoire d’Omdurman et ne compte pas se voir contester le contrôle du Nil, de son delta jusqu’à ses sources.
Après quelques négociations, les Britanniques établissent un blocus autour de la place de Fachoda et la crise, de locale, devient très vite internationale.
Les relations entre la France et le Royaume Unis se tendent à un point qui fait craindre, l’espace d’un instant, qu’une guerre soit possible.
Jean-Baptiste Marchand (nommé Chef de bataillon entre-temps, le 1er octobre 1898) a toutes les peines du monde à communiquer avec Paris.
En janvier 1899, un accord est finalement trouvé entre les deux puissances coloniales.
La Mission Congo-Nil évacue Fachoda sur ordre. Elle a rempli sa mission mais ne pouvait tenir tête indéfiniment à une armée britannique beaucoup plus puissante.
Pour éviter l’humiliation nationale, le gouvernement prétexta un mauvais état sanitaire de la troupe de Marchand, aussi ce dernier est ulcéré.